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Henri Grégoire, également appelé l'Abbé Grégoire, né le 4 décembre 1750 et décédé le 20 mai 1831, est un Prêtre français de naissance lorraine, l'une des principales figures de la Révolution française, l'un des premiers à avoir demandé l'abolition de l'Esclavage à l'Assemblée, et le fondateur du Conservatoire national des arts et métiers et du bureau des longitudes.
Biographie
Enfance et formation
Henri Grégoire est né le 4 décembre
1750 à
Vého, près de
Lunéville. Il naît français, puisque sa paroisse fait partie de la provinces des
Trois-Évêchés, et non du
Duché de Lorraine.
Son père, Sébastien Grégoire, est un tailleur d'habits respecté, ayant eu un temps un office d'échevin, et sa mère Marguerite Thiébaut, est une femme unanimement décrite comme d'une grande piété et ayant un souci constant des choses de la religion.
Le curé de campagne
Il étudie dans un collège
jésuite à
Nancy puis devient le curé d'
Emberménil. Il s'attache dans son ministère à l'instruction de ses paroissiens, crée une bibliothèque accessible à tous et renfermant de nombreux ouvrages d'
Agronomie. Il aide les agriculteurs à rationaliser leur production et à l'augmenter. Il voyage également beaucoup et rencontre les membres d'autres religions. Il a, notamment, des contacts avec un pasteur protestant et, en 1787, prononce un discours de bienvenue lors de l'inauguration de la synagogue de
Lunéville. Il participe à la vie intellectuelle de sa province et devient correspondant de plusieurs académies. En
1783, il est couronné par l'académie de
Nancy pour son
"Éloge de la poésie", et en
1788, par celle de
Metz pour son
"Essai sur la régénération physique et morale des Juifs", qui sera traduit en
Angleterre dès l'année suivante. Dans cet ouvrage remarquable il défendait avec chaleur la cause de cette population si longtemps mise à l'écart et réclamait pour elle l'égalité civile.
Le prêtre citoyen
Élu député du Premier Ordre (le Clergé qui avait 291 élus) en
1789 par le clergé du bailliage de
Nancy aux États généraux, Henri Grégoire se fit rapidement connaître en s'efforçant, dès les premières sessions de l’Assemblée, d’entraîner dans le camp des réformistes ses collègues ecclésiastiques et de les amener à s'unir avec le
Tiers état.
Nommé l’un des secrétaires de l'Assemblée, il fut l'un des premiers membres du Clergé à rejoindre le Tiers état, et se joignit constamment à la partie la plus démocratique de ce corps. Il présida la session qui dura 62 heures pendant que le peuple prenait la Bastille en 1789, et tint à cette occasion un discours véhément contre les ennemis de la Nation.
Il contribua à la rédaction de la Constitution civile du clergé et parvint, par son exemple et par ses écrits, à entraîner un grand nombre d’ecclésiastiques hésitants. Il fut ainsi considéré comme le chef de l'Église constitutionnelle de France. À l'Assemblée Constituante, l'abbé Grégoire réclama l'abolition totale des privilèges, proposa le premier la motion formelle d'abolir le droit d’aînesse, et combattit le cens du marc d'argent, exigeant l'instauration du Suffrage universel. Il plaida chaleureusement la cause des Juifs et des hommes de couleur, multiplia les écrits favorables aux Noirs et contribua au vote aboutissant à la première abolition de l'esclavage, qui sera rétabli par Napoléon Bonaparte sur demande expresse de Joséphine, puis à nouveau aboli par le décret du 27 avril 1848 de Victor Schoelcher. Il est un des principaux artisans de la reconnaissance des Droits civiques et politiques accordés aux Juifs (décret du 27 septembre 1791).
Après la fuite de Louis XVI et son arrestation à Varennes, dans le débat sur la question de l’inviolabilité de la personne du roi qui s'ensuivit, Grégoire se prononça vivement contre le monarque, et demanda qu’il fût jugé par une Convention.
Pendant la période de l’Assemblée législative, dont il ne pouvait faire partie, puisque les membres de l' Assemblée constituante avaient été déclarés inéligibles, il donna tous ses soins à son diocèse de Blois.
Premier prêtre à avoir prêté serment à la Constitution civile du Clergé, il fut élu évêque constitutionnel par deux départements à la fois la Sarthe et le Loir-et-Cher (1791). Il opta pour ce dernier et administra ce diocèse pendant dix ans avec un zèle exemplaire. Le département de Loir-et-Cher l’élut également député à la Convention nationale. Dès la première séance, le 21 septembre 1792, fidèle à ses prises de position antérieures, il monta à la tribune pour défendre avec vigueur la motion sur l’abolition de la Royauté proposée par Collot d’Herbois, et contribua à son adoption. C'est dans ce discours que l'on retrouve cette phrase mémorable : «les rois sont dans l'ordre moral ce que les monstres sont dans l'ordre naturel. »
Élu président de la Convention, l'abbé Grégoire la présida en tenue épiscopale. Il ne participa pas au vote sur la mort de Louis XVI, étant alors en mission à l'occasion de la réunion de la Savoie à la France. Il écrivit à cette occasion une lettre pour demander la condamnation du roi, mais en n'y mettant pas le mot « mort ». Il s'occupa de la réorganisation de l'Instruction publique en étant un des membres les plus actifs du Comité de l'Instruction Publique. Dans le cadre de ce comité, il entreprit une grande enquête sur les « Patois » pour favoriser l'usage du français. Il fut le créateur, en 1794, du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM, qui existe toujours). Il fut également l'inventeur du Bureau des longitudes, dont l'objectif était d'améliorer le transport maritime par une meilleure connaissance des distances.
Malgré la Terreur, il ne cessa jamais de siéger à la Convention et n'hésita pas à condamner vigoureusement la déchristianisation des années 1793 et 1794. Plusieurs fois, il faillit être arrêté. Il ne continua pas moins à se promener dans les rues en tenue épiscopale et à célébrer tous les jours la messe chez lui et à la chute de Robespierre, il fut le premier à demander la réouverture des lieux de culte.
Universaliser l'usage de la langue française
En,
1794 l'abbé Grégoire présente à la Convention son
« Rapport sur la Nécessité et les Moyens d'anéantir les Patois et d'universaliser l'Usage de la Langue française », dit
Rapport Grégoire, dans lequel il écrit:
« … on peut uniformer le langage d’une grande nation … Cette entreprise qui ne fut pleinement exécutée chez aucun peuple, est digne du peuple français, qui centralise toutes les branches de l’organisation sociale et qui doit être jaloux de consacrer au plus tôt, dans une République une et indivisible, l’usage unique et invariable de la langue de la liberté. »Gallicanisme
En
1795, il créa avec les évêques constitutionnels Saurine et
Debertier, ainsi qu'avec des laïcs, la Société libre de philosophie chrétienne, qui avait pour but de reprendre les
études théologiques arrêtées à cause de la Révolution, de lutter contre la déchristianisation et contre la
Théophilanthropie et le culte de la Raison et de l'Être suprême. L'organe de cette société est le
Journal Annales de la religion, journal
gallican et virulent qui fut supprimé par Bonaparte à la suite du Concordat. Il oeuvra aussi à la réhabilitation de Port-Royal-des-Champs en publiant, en
1801 puis en
1809,
Les Ruines de Port Royal des Champs, qui mettent en valeur les vertus des religieuses
jansénistes et des Solitaires. Cet écrit contribue à la naissance du mythe de Port-Royal comme foyer intellectuel et de résistance à l'
Absolutisme.
Sous le Directoire, il s'efforça de réorganiser l'Église constitutionnelle. Il organisa avec les évêques constitutionnels deux conciles nationaux, en 1797 et 1801, pour tenter de mettre sur pied une véritable Église gallicane. Il publia en 1799 un "Projet de réunion de l'Église russe à Église latine". En 1802, il fut nommé sénateur et tenta de s'opposer à la signature du Concordat. Fidèle à ses convictions républicaines, l'homme à la « tête de fer » (comme le définit l'historien Jules Michelet) fera toujours suivre son nom de la mention « évêque constitutionnel de Blois ».
L'opposant aux régimes "aristocratiques"
Pendant l'
Empire et sous la Restauration, il écrit de nombreux ouvrages, notamment une
"Histoire des sectes" en deux volumes (
1810). Il fait partie, au
Sénat conservateur, des rares opposants irréductibles à
Napoléon Ier. Il fut un des cinq sénateurs qui s'opposèrent à la proclamation de l'Empire. Il s'opposa de même à la création de la nouvelle noblesse puis au divorce de Napoléon. Exclu des fonctions publiques sous la Restauration, il est élu
Député de l'Isère en
1819, ce qui entraîne la fureur des ultra-royalistes qui le font chasser de la Chambre des députés. De même, son élection à l'
Académie française est refusée pour cause de républicanisme.
Il vécut dès lors dans la retraite mais, toute pension lui ayant été supprimée, il fut contraint de vendre sa bibliothèque.
Il décède à Paris à l'emplacement actuel du 44 Boulevard Raspail le 20 mai 1831 au début du régne de Louis-Philippe Ier. Le jour de son décès, l'archevêque de Paris – le très légitimiste Monseigneur de Quélen – s'oppose à ce qu'il reçoive les derniers sacrements ; il exige de Grégoire une renonciation au serment de la Constitution civile du clergé. Le vieil évêque, bien qu' à la dernière extrémité mais fidèle à ses convictions, refuse tout net. L'abbé Guillon, malgré les ordres de sa hiérarchie, accepte d'accéder sans condition aux désirs du mourant. L'autorité romaine ferme l'église à sa dépouille, mais rassemblées autour de La Fayette, deux mille personnes accompagnent le corps de l'évêque humaniste et gallican au cimetière Montparnasse.
Hommage de la Patrie
Ses cendres sont transférées au
Panthéon le
12 décembre 1989, à l'occasion des fêtes du bicentenaire de la Révolution française, le même jour que
Monge et
Condorcet malgré l' opposition déclarée du cardinal-archevêque de Paris
Jean-Marie Lustiger .
En Russie
En
1814 Grégoire fut nommé, parmi vingt-huit personnes « distinguées pour leur savoir », membre honoraire de l'université de
Kazan, mais cette nomination fut annulée en
1821, le conseil de l'université ayant trouvé qu'il était "contraire non seulement à la justice mais à la simple décence d'avoir en son sein un homme qui s'était rendu coupable d'un crime odieux" (la mort de Louis XVI) alors que jamais Grégoire n'avait demandé la mort du souverain comme il a été dit plus haut.
Voir aussi
Articles connexes
- Yves Marie Audrein
- Décret du 27 novembre 1792 réunion de la Savoie à la France
- Histoire de la Savoie de 1792 à 1815
- Église constitutionnelle
- Histoire des Juifs en France
Bibliographie
- Rita Hermon - Belot, L'Abbé Grégoire, la Politique et la Vérité, 2000.
- Bernard Plongeron, L'abbé Grégoire et la République des savants, éd. du CTHS, 1991.
-
Liens externes
- (fr) Site consacré à l'abbé Grégoire
- (fr) Grégoire, Henri (1750-1831). De la littérature des nègres, ou Recherches sur leurs facultés intellectuelles, leurs qualités, 1808
- (fr) Biographie de l'abbé Grégoire
- (fr) Une conduite révolutionnaire, ou Action et Réflexion chez Henri Grégoire de 1789 à 1831, Thèse de Doctorat d'État
- (fr) L'Abbé Grégoire. Conférence donnée à la Grande Loge de France (5 mai 1981) par Gaston Monerville
Notes et références